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LES MYTHES DE L'EUROPE

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LES MYTHES DE L'EUROPE Empty LES MYTHES DE L'EUROPE

Message  Admin Mer 21 Mai - 10:31

Le Kosovo, Javier Solana et les culs-terreux

« Réélu Tadic n’est pas au bout de ses peines », pouvait-on lire en première page du journal serbe « Danas », au lendemain des élections présidentielles. Le ton prophétique de ce titre n’en sonne que plus distinctement parmi la confusion des événements postélectoraux à la fois au nord de la province du Kosovo et dans la capitale de la Serbie, Belgrade. Rappel des faits, le 3 février 2008, Boris Tadic sort victorieux du deuxième tour des présidentielles qui l’opposait pour la seconde fois au candidat ultranationaliste Tomislav Nikolic. Deux semaines après, au jour du 17 février 2008, le Parlement kosovar proclame l’indépendance de la province du Kosovo ; et le surlendemain éclatent : contestations nationalistes proserbes, incendies aux postes frontaliers albano-serbes contrôlés par la police kosovare et l’ONU. Le 21 février 2008 entre d’une triste façon dans l’histoire de la Serbie en tant que « journée noire » selon l’expression de Vojislav Kotunica (premier ministre) ; des étudiants serbes s’attaquent aux ambassades de plusieurs états ayant reconnus formellement l’indépendance du Kosovo, celles des Etats-Unis, de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne. Bilan : près de 5000 étudiants qui souhaitaient rejoindre les parties serbes et albanophones du Kosovo, ont été gazés par l’ONU.

Ce qu’il faut déplorer ce n’est pas l’évènement de l’indépendance kosovare – qui appartient à l’histoire complexe de l’ex-Yougoslavie – mais la sclérose dont souffre en ce moment la Serbie. Cette sclérose, constitutive du fonctionnement démocratique de l’Etat serbe, est non seulement causée par les ultras – de la Serbie et du Kosovo confondus – mais aussi par l’U.E. Javier Solana, tenons-le pour dit, pourrait occuper une excellente place dans notre top five des têtes à couper in honoris causa. Celui-ci s’est en effet empressé, en sa qualité de « représentant international de l’Union Européenne au Kosovo », d’enclaver encore plus la Serbie au moyen d’une proposition fort simple : suspendre, au motif des émeutes, les négociations portant sur une éventuelle adhésion de la Serbie à l’U.E. Là encore l’Union Européenne, à la manière d’un Bismarck assoiffé d’unité étatique, se forge une identité par l’exclusion des « ennemis de la démocratie ». Ceux-ci, dans leur discours, soutenaient hier une intervention en Irak ; ces mêmes marginaux contestent aujourd’hui l’indépendance du Kosovo. Le débat intra- européen est dès lors soumis à un lâche manichéisme, où le politiquement correct triomphe parmi des alternatives exclusives. La sécession européenne culmine tellement aujourd’hui que Tadic se trouve dans l’incapacité d’agir. Ses tentatives d’ouvertures et ses projets électoraux stagnent ; le gouvernement abandonné par Javier Solana devient impuissant ; les serbes, désorientés, prennent les armes.

Ce phénomène d’immobilisme institutionnel se réfléchit comme sur un miroir dans une segmentation à l’échelle nationale. Et cette campagne présidentielle en est un parfait exemple : en plaçant l’Europe au centre du débat électoral Tadic et Nikolic transformèrent cette élection en référendum pour l’Europe. Pendant près de six mois l’Union Européenne, ses enjeux et ses institutions, ont été foulés aux pieds par une polémique des plus vaines portant sur le démantèlement de l’ex-Yougoslavie. Dix-sept années de galère politique ont été de cette manière attribuées à l’U.E. et nourrissent actuellement des tendances réactionnaires. Ce jeu, ce refus des responsabilités, n’est que trop habituel chez nos représentants nationaux, il consiste à minimiser la fracture existant entre l’électorat et les institutions nationales, par une mise en accusation des institutions européennes. Ces réquisitoires politiques puérils créent une dynamique générale qui pousse chacune des nations à se recroqueviller sur son folklore au mépris d’une finalité collective. « Ce n’est pas moi, c’est l’Europe ! » ou « Redécouvrons nos terroirs ! » chantent-ils en choeur dans le but de se faire élire. Ce leitmotiv s’entend en France à propos de l’application de la PAC, dans les débats satellitaires au référendum pour la constitution européenne, et dans une certaine mesure, dans les restructurations gouvernementales italiennes en cours depuis 2007. Les projets de Brice Hortefeux, les expulsions de masse de sans-papiers de Sarkozy, le fantôme du plombier polonais, apparaissent comme des symptômes de la croissance des consciences chauvines européennes. Ce sont des sentiments de même nature qui servent de support à la création d’entités étatiques bancales dans les Balkans, telles que la Bosnie hier et le Kosovo aujourd’hui.

Structurellement, l’U.E. n’étend pas le domaine institutionnel mais fonctionne uniquement au moyen d’institutions préexistantes, constituées de limites et lacunes nationales. Ses institutions fragmentées et isolées, et une mauvaise foi technocratique ne conduisent qu’à l’essoufflement complet de l’Europe. Elle n’a pas d’identité propre. Elle n’a pas de rouage institutionnel spécifique. Jusqu’à présent l’identité européenne s’est construite dans le cadre restreint des limites des démocraties représentatives. En outre, à l’unisson de ces antiennes, les nations européennes fantasment une Europe mythique, une institution spectrale… Le citoyen européen souffre d’un trouble identitaire : le parasitage par le germe « folklorophage » Europe. Cela se comprend aisément quand on se penche sur les programmes scolaires : la Renaissance et les Lumières, par exemple, sont étudiées du point de vue isolé de la France, au lieu d’être comprises par nos collégiens comme des époques-clés de leur histoire en tant qu’européens. Prendre conscience de ce défaut permettrait de ralentir la corrosion progressive des institutions européennes et l’exacerbation des identités locales au profit d’une conscience « citoyenne » européenne.

Les « bonnes » consciences nationales s’efforcent de protéger un patrimoine historique restreint à des fins de séduction électorale, et s’emparent de nos symboles pour mieux polluer notre espace politique. Laissons à ces culs-terreux et autres chauvins à la petite semaine le soin d’entretenir ce mythe vaporeux d’une Europe des terroirs. Opposons-leur le mythe d’une Europe comme unité culturelle, irréductible à ses icônes nationales.



Stéphane et Benoît

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LES MYTHES DE L'EUROPE Empty Structurellement, l'Europe...

Message  Bérénice Ven 27 Juin - 10:24

Votre article est de grande qualité. Pourtant, il y a un point que je ne peux partager: la structure de l'Union Européenne telle que vous la décrivez. L'Europe possède ses institutions propres (Commission européenne, Conseil des Ministres, Cour Européenne de Justice) qui lui permettent d'avoir son identité propre. Il est vrai que ces organes sont nombreux et peuvent entraîner à une certaine confusion et donc un délitement de l'efficacité technocratique. Mais n'est-ce pas le problème de tout corps de type "étatique" (et je pense à l'ONU également) en tant que structure politique organisée et pluri-organique. Il est tout aussi vrai que la plus grande partie de la mise en œuvre de la politique européenne se fait au niveau et par les instances nationales: ceci n'est pas une dérive, mais résulte du principe même de subsidiarité qui est la pierre angulaire du système juridique européen: les Etats sont les premiers acteurs de la législation européenne; si et seulement si, ils n'en sont pas capables, viendra alors le moment d'une action directe des institutions européenne. L'UE n'est donc encore ni un Etat fédéral (Kant d'ailleurs disait sa peur d'une telle organisation étatique, cf. La Paix Eternelle), ni un "Léviathan" moderne. Il serait bon de ne pas l'oublier (même si les temps sont à la mise en place d'une Politique de Défense Commune...mais ceci est une autre histoire et ne semble, de toute façon, pas être gagnée d'avance).

Bérénice

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Message  Ben Ven 27 Juin - 14:12

Il est vrai que l'Union Européenne dispose en propre d'institutions qui lui dessine une identité : technocratique et libérale. Dès lors, pour reprendre la thématique de l'article, on comprend que le folklorisme fasse recette électorale : cette Europe-là est de fait une institution distante et une administration sans enjeu autre que la régulation - du marché, des lois, de l'immigration etc...
Ce brumeux article soutient implicitement la thèse de l'Europe fédérale. Il rejette du même coup les institutions actuelles - excepté le Parlement européen qui me paraît être un pouvoir accessible au peuple - et les plaidoyers locaux en faveur d'un repli sur soi et ses traditions.
L'U.E. n'est certes pas actuellement fédérale, et on peut lancer sans risque que Kant n'est pas une référence en matière de politique (sourire) ; en revanche elle tient beaucoup du Léviathan. Songeons au devenir du "non" en France résolu par le Sarkozy et son traité empressés ; au mépris des intellectuels sur le présent "non" irlandais.

Il est urgent d'être irlandais.
Ben
Ben

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