COUP DE QUOI... DE THÉÂTRE... À L’ODÉON ?

Fichtre foutre qu’ils sont en colère les 150 représentants de la Scène française ! Sur la photo devant le théâtre de l’Odéon, ils ont l’air plutôt bien déconfits. Qui s’en réjouira ?

Mais l’important est qu’ils soient tous là, réunis contre Lui, eux qui pour une grande part courtisaient Sé-Sé-Sé-Ségolène.

Fallait que ça arrive, une photo dans Bobo’s band, le journal qui résiste –entendons qui a déjà renoncé à tout depuis belle lurette : de la déprime d’art, de l’aigreur sublime « de gauche » ou indépendante face à la perfidie de droite, de l’impuissance souveraine du Trauerspiel (le Roi erre seul au coeur de son palais en ruines) face à la puissance en dessous de tout du Vaudeville national.

Car c’est en dessous de tout qu’ils pouassent, qu’ils puissantent nos gouvernants (arrêtons de parler du nain, ils sont tous bien équipés, bien enfilés solidaires sur la même broche, on voudrait que la machine effrayante se grippe, implose d’elle-même, dernier soupir bien tiède d’espoir). C’est en dessous de tout qu’ils font les malins, qu’ils appuient là où ça fait mal, enfoncent le doigt, puis la main, puis le bras tout entier (comme) dans du beurre.

En photo dans Bob’s band : une motte de beurre un peu rance, « Coup de mou à l’Odéon ». Toutes nos luttes - cris, rages, désespoirs et vieillesses ennemies précipités d’un coup dans le néant : « Même individuellement, Moi Personnellement, Je n’arrive plus à négocier ! ».

L’artiste est vulnérable, c’est sa force. N’en profitons pas. Mais l’Artiste faisait bien le fier hier, profitant de lui-même en quelque sorte : « L’art est résistance comme tel » les Amis : c’est ce que certains d’entre vous exhibaient encore en défense, en 2003, CONTRE l’annulation « sacrilège » du Festival d’Avignon. Et en septembre, le septembre froid qui suivit le juillet tout chaud, pas question de continuer, en ajournant, entravant l’ouverture de la saison dans les Guignols, au contraire : « il faut, par solidarité bien sûr, ré-affirmer la présence du poète au coeur de la Cité ». Le Ministre de tutelle avait, il est vrai, adressé une missive à tous les directeurs d’institution : vous devez honorer votre mission de service public sans contrevenir, nous vous rappelons que vous n’êtes pas nommés à vie.

Bien sûr devant la menace, on avait rugi comme lion en cage, mais on ouvrait néanmoins toutes grandes les portes du chapiteau : The show must go on !

La présence du poète au coeur de la Cité… Résultat : la Cité fait un infarctus, et le poète est en réanimation, en service gériatrie. Les théâtreux se souviennent qu’en 68 à l’Odéon, il y en avait qui avaient des couilles. Aujourd’hui les slips sont vides, mais de grande marque !

« Je veux bien faire des économies, me passer de décor… » mais il y a des limites. Ah non là, j’en connais sur la photo qui ne seront pas d’accord : rien n’est trop beau pour l’art ! Il suffit de savoir si c’est de l’art, ou du cochon, c’est tout !

La réplique du jour - Rien n’est trop beau pour mes couilles en or, laisse la République interloquée, elle n’en croit pas ses yeux. Quoi ! Tout le pognon pour ces ânes du Résultat, ces capitaines de l’Entreprise France, ces flics au racisme « rampant » !? « Nous ne sommes pas compris…Ce gouvernement est anormal », dit Ariane M. Ah bon ?

L’Artiste a fait hier comme si l’attaque en règle du statut d’intermittent du spectacle était honteuse dans la forme mais malgré tout l’abordage, enfin, d’un vrai bateau de pirates (la seule ligne éditoriale de Bobo’s band d’ailleurs : Il, toujours Lui, est odieux mais enfin il faut bien reconnaître qu’Il a l’art de mettre les pieds dans le plat) : en effet trop de projets, trop d’artistes auto-déclarés. « Pensez donc : il y a dix ans j’avais un mètre de projets sur mon bureau, et j’en faisais un mètre. Aujourd’hui j’en reçois des kms, et je ne peux faire que 10 mètres… avec mes amis fidèles bien sûr, ma femme, mon fils… ».

Hier, l’Artiste était tout solidaire des autres, lui plus ou moins concerné, mais entendait bien que ce statut ne pouvait continuer d’enfler comme ça sur tous les plateaux des Maisons, ni même sur les parvis, qu’il y avait un vrai problème. Hier l’Artiste ne pensait pas, ou ne voyait pas, ou ne voulait pas voir ou pas croire que derrière l’attaque en règle du statut, c’était toute une économie symbolique qui était visée, dont son petit pré carré qui n’y échappe pas et aujourd’hui s’en trouve tout retourné, avec ce « gel de précaution » de 6% et tout le reste.

Alors Appel au Peuple ! (pardon) Appel au public ! (pardon) Appel aux abonnés ! (pardon) Appel aux clients ! ah non pas ça Appel … au secours !

Mais enfin les Amis quand on vous dit (P.M. Menger, Les intermittents du spectacle, Sociologie d’une exception) que « …dans un marché à haute teneur réputationnelle…dans une économie verticalement désintégrée de la production, le système d’emploi trouve dans l’agglomération de ses acteurs (salariés et employeurs) un des ressorts de son efficacité concurrentielle. Son architecture de réseau est alimentée par une haute densité de transactions contractuelles ; la mobilité des facteurs de production est élevée, et gagée sur la capacité de convertir les coûts fixes de la production en coûts variables sans perdre en efficacité productive. La variété des talents qui peuplent le réservoir de main-d’oeuvre excédentaire importe autant que la disponibilité de cette main-d’oeuvre, pour élever le taux d’innovation … », il faut le croire !!

La logique est simple :
- A. Crombecque par exemple (Directeur du Festival d’Automne à Paris) était de ceux qui sur les ruines du Festival d’Avignon annulé en 2003 voulaient une vraie expertise.
- Ca y est, l’expert a pondu. Tout le monde doit se réjouir. Le langage et son style auront tout de suite fait le boulot d’écrémage, avant même toute conclusion officielle de son étude tout aussi officielle (une commande en haut lieu). Vous, décideurs, aurez donc moins de CV en errance , moins de projets sur vos burlingues, et vos fidèles canassons pourront travailler en paix, sous un « régime assurantiel responsabilisé ».
- Au bout du compte, ce sont toujours les meilleurs qui restent (nous sommes laïques), qui gagnent (ils sont libéraux) ou qui s’en vont (certains d’entre nous sont cathos).

Mais la sélection naturelle est tout de même une belle invention. « - Arrête ton cynisme, la situation est grave, ne remue pas le couteau dans la plaie, t’as besoin de fric, c’est ça ?
- Oui mon Capitaine
- Tu es un brave homme Woyzek, un brave homme »



patrick