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LES BANLIEUES DE LA PENSÉE RÉVOLUTIONNAIRE

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LES BANLIEUES DE LA PENSÉE RÉVOLUTIONNAIRE Empty LES BANLIEUES DE LA PENSÉE RÉVOLUTIONNAIRE

Message  Admin Mer 21 Mai - 10:42

La « crise des banlieues » de 2005 aurait dû, selon Besancenot et compères, attirer notre attention sur un fait nouveau, et de taille : les banlieues, et leurs jeunes « enragés » seraient le nouveau prolétariat. En effet, la dure tâche d’abolition des classes par la révolution leur reviendrait de droit, eux les oubliés du système, les désoeuvrés, chômeurs et délinquants. Loin d’être innocente, cette affirmation est surtout loin d’être intelligente, et relève plutôt de l’aveuglement. Celui de la bonne conscience, naïve et crédule.

Dans l’éternelle dispute sur la responsabilité prolétarienne, les habitants des banlieues avaient une longueur d’avance. Chômage, salaires bas, et jeunes désorientés, déchirés entre racines lointaines et nécessité d’intégration. Du pain béni pour le militant stalinien qui sent que ses idéologies ne sont plus aussi payantes qu’au temps jadis. Le soviétisme russe ayant déjà trop servi d’alibi à la mystification du communisme comme « idéologie qui ne marche pas », rembourser sa campagne relève depuis quinze ans du chemin de croix. Alors quand des jeunes descendent dans la rue pour brûler des voitures, les pontes de la contestation en ruine n’hésitent plus à raviver leurs forces en portant aux nues ces incendiaires.

Voir les banlieues comme le terreau du néo-prolétariat, outre d’être une facilité affligeante, c’est avant tout faire croire qu’une idéologie proprement européenne, dans son fonctionnement comme dans ses symboles, peut être portée par des populations étrangères, de la manière la plus spontanée possible – trahissant déjà l’illusion d’une spontanéité révolutionnaire. Une sorte de preuve de l’universalité du bon sens trotskyste. Et par là faire croire que cette idéologie n’est pas morte et enterrée depuis vingt ans. Mais c’est aussi donner l’illusion d’un renouvellement de la classe politique stalinienne, en faisant porter le message de révolte des banlieues par des jeunes : Bensancenot aime les rappeurs, on ne l’aura que trop compris. Essayer de briser le mythe du vieux communiste réactionnaire.

Et pourtant, force est de constater que, oui, dans les banlieues il ne fait pas toujours bon vivre. Que si les mafieux habitent le 16e arrondissement de Paris en général, les exécutants sont plutôt des individus qui n’ont qu’un pas infime à franchir. La hiérarchie mafieuse n’est qu’un exemplaire de la hiérarchie sociale : aux démunis les basses besognes, aux privilégiés les gros bénéfices. Du prêtre de Wall Street au négociant en cocaïne il n’y a guère qu’une différence de produit. Lieu de parquement des immigrés, les banlieues sont les bordures extérieures du monde social. Inutile de chercher à les gérer, il suffit d’y pousser les parias qui se battront entre eux. Inutile donc la police de proximité et autres pseudo intermédiaires. Au surplus, le pouvoir féodal se sert largement de ces nouveaux « New York 1997 », les affichant continuellement comme des abysses qui menacent le tout à chacun : « et si ces hordes de désoeuvrés déferlaient sur votre conapt ? N’hésitez plus à voter pour le programme sécuritaire ! ».

Au-delà du porte-bannière de misère que sont ces banlieues, le manichéisme mondial post World Trade Center a permis une implantation encore plus ferme, ne serait-ce que virtuellement, de l’islamisme. L’enjeu du contrôle-rejet de ces territoires est double : les pauvres menacent la propriété privée ; les islamistes, ainsi que l’affirme la pauvre prédiction de Maurice Dantec, menacent l’essence humaniste de l’Europe occidentale. En tant que telles, les banlieues sont surtout une définition négative de ce que doit être la France. Les exemples adulés des banlieues sont ceux qui en sortent. Au-delà de ce manichéisme, ces individus que l’on pointe sans cesse du doigt comme les exemples à ne pas suivre acceptent leur rôle. Et s’en donnent même à coeur joie, ainsi que l’ont fort bien montré les émeutes de 2005, et soubresauts suivants.

Comme toujours dans un lieu de concentration d’une masse de démunis, géré et participant à toute sorte d’économie informelle mafieuse, sujets à toutes les fluctuations du Cac 40 – contrôlé plutôt par des grosses fortunes –, où le néant des réalisations de l’Idéal démocratique et humanitaire cher à la France est encore plus criant, il ne fait aucun doute que les réactions contre les institutions sont encore plus violentes. D’autant plus que le mensonge de la réussite personnelle et du choix individuel est renforcé. Comment décemment dire à un ouvrier du bâtiment résidant en HLM que s’il ne peut subvenir aux besoins de sa famille c’est qu’il ne travaille pas assez ? Que s’il n’a pas de couverture sociale digne de ce nom c’est qu’il y va de sa propre responsabilité ?

Mais révolutionnaires, les agitateurs des secteurs urbains périphériques ne le sont que virtuellement. Loin d’être sans repères, « laissés à la merci de la jungle périurbaine », les gangs y fleurissent. Ils organisent à un haut degré de hiérarchisation les quartiers, mais aussi les individus qui, de même que dans toute autre organisation marchande, deviennent de parfaits rouages d’une économie, loin d’être exclusive des activités marchandes communes. En effet, les soldats sont d’autant plus serviles que leurs ambitions sont atrophiées par un système qui n’en veut pas, d’autant plus enthousiastes que leur est donnée l’illusion d’une ascendance sociale, d’une puissance réelle : le « bling bling » et les « gamos » comme autant de marchandises qu’il reste à acquérir… Arsenik l’expliquait parfaitement en 98 déjà – mais Besancenot pense peut être ses prolétaires trop idiots pour s’intéresser vraiment à ce qu’ils expriment – : « y’avait pas d’porte ouverte alors j’ai pété un carreau ». Casser une vitrine n’est qu’une ouverture sur un monde marchand inaccessible dans les conditions objectives de la vie « des banlieues ». Nulle question d’aller détruire les marchandises, qui ne cessent de les « obnubiler », les voyant partout dans la rue, dans les mains de leurs idoles. Les émeutes de 2005 étaient bien une crise de l’intégration : l’impossibilité de s’intégrer à un système marchand qui est pourtant omniprésent.



lucas

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