Le Monde des pires
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Nouvelles du pire

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Message  Admin Dim 29 Juin - 14:36

Guerre
Il est assez curieux de remarquer comment nous parlons de la guerre en Irak alors que nous appelions la guerre du Vietnam ou la guerre de Corée. Le glissement de l'article en simple complément de lieu figure assez bien le fait que chaque guerre n'a plus sa singularité propre liée aux facteurs multiples qui en font un moment définit et décisif de l'Histoire : le pays où elle est née ; les circonstances politiques, économiques, sociales, qui l'ont vu naître ; les intérêts et le rapports des forces en présence... La guerre est devenue un fait absolu, une fatalité incompréhensible, et le lieu où elle se fixe n'est qu'une variable aléatoire : la guerre est en Afganistan, en Irak, demain elle sera en Iran. Il n'y aura jamais de guerre d'Iran, l'Iran ne sera que le terrain de jeu d'une guerre désormais permanente. La guerre a perdu son événementialité propre, on ne nomme plus une guerre à la manière d'un moment spécifique de l'Histoire, on situe la guerre sur une carte abstraite et sans relief.


Métaphores
Dans le vocabulaire commun allègrement alimenté par la pseudo-scientificité des journalistes, la métaphore filée du vivant et du pathologique pour désigner des réalités proprement sociales ou économiques n'a pas d'âge. Aussi l'accroissement de la production nationale est croissance dont on jouit des fruits, le chômage un cancer qui ronge le tissu urbain, les inégalités sociales ont la qualité de se reproduire tandis qu'il semble désormais utopique de résorber la fracture entre les plus riches et les déshérités. Ces analogies biologiques ont le mérite de présupposer la possibilité d'un remède aux maladies sociales et aux problèmes de la vie citadine. Mais en renvoyant en dernière instance dans l'ordre de la Nature la réalité du « vivre ensemble », elles justifient aussi toutes les injustices en en faisant le fait d'une puissance hors de contrôle dont on ne peut, au mieux, que gérer les effets indésirables pour éviter d'être contaminés.

Rue
La loi anti-tabac est en contradiction avec la loi anti-bruit. La rue a en ce sens toujours été le centre de telles tensions : à tout le monde et à personne, lieu et objet de luttes et en même temps lieu et objet de réglementations. Hier Diogène se masturbait, aujourd'hui on veut à la fois le silence dehors et l'air pur dedans. Oser la rue est une expression qui prend tout son sens aujourd'hui, car celle-ci devient de plus en plus aseptisée. Mais force est de constater que l'on n'ose plus la rue : on la consomme, on jouit de ce qu'elle nous accorde (vitesse, moyens de transport, publicités, soldes, animations, pause clope). A mesure que l'on codifie l'espace, en fractionnant les zones et les libertés relatives qui leur sont attachées, on cloisonne aussi les gens qui s'accrochent à leur petit – de plus en plus petit – espace légal d'action. C'est parfaitement révélateur de ce que désormais l'on peut, communément, vivre.


Terrorismes
Les diverses grèves de l'automne 2007 ont confirmé la tendance flagrante, dans le vocabulaire et dans les faits, à une criminalisation de toute forme de revendication sociale. Prendre en otage est devenu l'expression typique qui témoigne parfaitement de la stratégie de délégitimisation des mouvements sociaux. On ne s'en indignera jamais assez, mais les représentants de l'ordre publique ont mis à profit le terrorisme tandis que le quidam soucieux de ses droits et de sa liberté, « alter-mondialiste » et « anti-libéral », n'est pas prêt à assumer la teneur criminelle de sa subversion envers son propre héritage occidental, chrétien, et humaniste. En résumé, toutes les armes utilisées contre le capitalisme, celui-ci les retourne à son avantage. Et le terrorisme forme désormais la limite à partir de laquelle on est taxé d'illumination anti-démocratique.

Société Civile
Du jour au lendemain tout le monde sembla concerné par la répression au Tibet, organisant manifestations et appels à rassemblement, suscitant indignation et réclamant mesures politiques. On donne ses leçons de civisme à la Chine, en même temps qu'on défend le faible. Mais ce beau rôle nous est voilé par l'enthousiasme et l'urgence d'agir. La communauté internationale, quand elle est en alerte, est toujours dans son droit, mais il n'y a malheureusement aucun doute que dans six mois le problème sera passé de mode : la société civile fonctionne par successions de sursauts et d'amnésies. La plupart du temps elle ignore ceux qui luttent pour ne pas oublier. Il va sans dire que l'affaire est louable, mais tout se passe comme si l'on ne pouvait s'opposer ou soutenir ensemble que lorsque le pire arrive, sans quoi la sauce ne prend pas. Faut-il pourtant rappeler que le pire n'arrive que parce qu'on s'accoutume toujours mieux du moins bien ?


Pipolisation
Pipolisation : c'est comme ça qu'on dit pour signifier la connivence croissante entre le spectacle des réussites individuelles et les fonctions publiques nationales. Ou le passage de la catégorie « gens normaux » à la catégorie « exemples à suivre ». On dit avec raison qu'il ne faut pas tout mélanger, représentation et starification, vie privée et vie publique, mais ce qu'on ne voit pas c'est qu'en faisant miroiter un accès généralisé à la jet-set, on assiste à la naissance d'un nouveau mythe social : la réussite à portée de main, la démocratisation des paillettes. Pipolisation, c'est comme ça qu'on dit pour faire croire au monde que le club est ouvert, alors que le club vit et vivra toujours sur le dos du monde.

Ch'tit mania
On a vu apparaître le dernier avatar de la mode avec la Ch'tit mania : une région, son identité culturelle et ses particularités linguistiques deviennent « phénomène de société ». Plus besoin de voyager et de rencontrer, la découverte culturelle est de l'ordre, dans toute sa banalité, de consommation. On s'immerge à distance. Plus précisément on exotise nos voisins de palier, on en fait une curiosité dont on se passe de comprendre l'histoire et la réalité sociale. Cette mystification stupide et ridicule faisant d'un territoire un spectacle démontre par elle-même ce que l'on peut tirer, ce que l'on peut placer d'espoir dans quelque « mouvement de masse ». A présent, les seuls mouvement de la sorte sont des rictus de rire ou d'indignation.


M-08
Pas un journal qui ne nous livre sa vérité sur Mai 68. Pas un témoin qui raconte son Mai 68. Partout il n'est question que d'héritage... De « ce-qu'il-reste-de-l'évènement-qui-a-marqué-une-époque ». Ce gigantesque effort de digestion n'a pas son pareil pour nier ce qu'il met en scène. Pour liquider ce qu'elle poursuit. On nous parle d'un côté de tourner la page, de l'autre d'une soit disant urgence, mais on ne voit dans le premier qu'une farce et dans le second, aucune nécessité. Mai 08 est la jumelle comédie, l'ironie de l'histoire, la répétition inversée en un calme spectaculaire de ce qui n'est pas compréhensible par une société où plus rien n'a lieu.

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