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L'ambassadrice de Chine

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L'ambassadrice de Chine Empty L'ambassadrice de Chine

Message  Admin Dim 29 Juin - 17:17

L’AMBASSADRICE DE CHINE
par léa



Légende :
Le premier roi de chine, il y a des milliers d’années, ne supportant pas l’idée de mourir, aurait affrété un bateau et souhaitait atteindre une certaine île, sur laquelle on vivrait éternellement. Accompagné de 200 jeunes hommes et femmes, il prît la mer, et ne revint jamais. Il aurait atteint cette île, que l’on identifie aujourd’hui comme le japon. Et oui, les japonais ne sont que des ersatz de chinois !



Perspective d’une rencontre avec la Chine…
Accueillir une étudiante chinoise pour une semaine.
Exotisme !

Première étape : réception à l’aéroport. Attendons quatre Chinois, deux binômes professeur/étudiant de deux écoles et deux villes différentes, invités pour le festival « corrida audiovisuelle » de l’ESAV*. Je vous laisse imaginer l’aventure : nous sommes à Blagnac, avec notre pancarte, scrutant le dédale de faciès bridés. Il faut le dire, quand on attend un chinois que l’on ne connaît pas, bah, on attend un chinois… Bien sûr les premiers arrivés ne parlent ni français, ni anglais ! Fichtre ! nous voilà contraint de mimer le chimpanzé. L’un d’entre eux n’a rien de chinois, ce serait plutôt le genre rappeur américain (avec des yeux bridés) ! Quelle arnaque !
Mais voilà qu’apparaît l’ambassadrice de Chine : Yinan, une vingtaine d’années, étudiante en cinéma d’animation, brune évidemment, avec des chaussures de randonnée bleues…
C’est à travers elle et ses films que je rencontre le peuple chinois.

Premier soir : échange de cadeaux et courbettes…

Première nuit : Yinan dort.

Premier petit déjeuner : mon pyjama, mes chaussons, la baguette de pain, le pot de miel, la lampe, la table, le cendrier… tout y passe, rien n’échappe à l’infernale machine à clichés. A la fin de la journée : Minimum 100 photos. Et oui, ce n’est pas un mythe, la photographie et le chinois entretiennent un lien quasi-mystique. Mon erreur : lui demander de me les montrer…

Premier jour : Yinan est devant son mac (identique au mien, c’est dingue ! ) et écoute sa musique. Nirvana ! Une fois le plaisir de reconnaître le Kurt Cobain de mon adolescence, je trouve si étrange d’écouter la même chose d’un côté ou de l’autre de la muraille. Après tout, il paraît qu’un jeune est avant tout un jeune aujourd’hui, d’où qu’il soit. L’occasion se présente d’échanger notre musique et donc un bout de notre culture. Elle m’explique qu’en Chine les jeunes n’écoutent pas la musique traditionnelle. Et la pop ou le rock chinois ne sont pour elle que de « vulgaire » copie des musiques occidentales. Oh oh ! Je sens quelque chose d’important dans ce qu’elle me dit là, mais je n’insiste pas. Un peu tôt pour se lancer dans un débat sur l’occidentalisation de l’Asie. Elle me fait donc écouter une chanteuse chinoise… de la guimauve, une horreur ! Je comprends qu’ils écoutent Nirvana ! Bien sûr je lui dis que c’est « nice ». Bon, à mon tour : Jacques Brel. — Oui, je ne suis peut-être pas la meilleure ambassadrice de la création musicale française, mais en tant qu’incorrigible fan de Brel, une occasion pareille, ça se ne manque pas ! — Yinan est littéralement subjuguée par la beauté de notre artiste (à la réflexion son « beautifull » fait peut-être écho à mon « nice »). Mais me voilà, malgré moi, dans une délectation chauvine.
Alors pourquoi la musique occidentale s’exporte-t-elle si bien en orient et non l’inverse ? Avez-vous déjà tenté d’écouter et d’apprécier la musique asiatique traditionnelle ou non ? Pour ma part, ça m’est carrément insupportable ! Premier décalage, donc, et premier point de rencontre. Étrangeté de me sentir décaler de sa culture et elle si proche de la mienne, il y a là un non-sens certain.

Mais je commence à comprendre à la projection des films chinois dans le cadre du festival. Dans un premier temps, nous avons vu les créations de l’école de Pékin, le sino-américain (vous situez ?) en assurait la présentation. Que dire ? Une technique incroyable, un savoir-faire prodigieux… mais un manque cruel de créativité : entre Pixar et Miyasaki** , rien de plus mais rien de moins. Le discours de l’étudiant n’est autre que celui d’un producteur venu faire la promotion des réalisations de sa boîte, sans échange possible. La projection avait d’ailleurs commencé par quelque chose de très « chinois », sorte de composition florale dansante. Notre « animateur » a tranché de la sorte : « vous aimez ça ? moi je trouve ça nul ! passons au prochain, c’est mon film. ». Lequel se résume à des clones de l'âge de glace, pétant et cacatant…
Autant vous dire que je comprends là, face à cet autre ambassadeur, qu’une autre Chine existe, diamétralement opposée à celle que Yinan représente. Mais pourquoi cela me dérange-t-il autant qu’il affirme cette création à l’occidentale comme sienne ?

Seconde projection, animée par Yinan, représentant l’école des arts visuels de Shenyang. Une pure merveille ! Autant de perfection dans le faire, mais avec une étonnante recherche et une grande diversité. Je n’avais jamais rien vu de semblable. Je ne pourrais pas décrire ces films tant ils sont autres. Ce fut très émouvant de découvrir ces créations chinoises qui cherchent leur identité propre et tentent de s’affranchir d’une uniformisation globale du Beau et du Bon. J’ai le sentiment que l’animation chinoise est là, et qu’elle franchira bientôt la muraille pour nous révéler une autre manière de voir, comme le fait l’animation japonaise depuis quelques années. L’ambassadrice me le confirme et nous voilà dans ce débat sur l’occidentalisation de la création, qu’elle refuse absolument. La Chine doit trouver son expression moderne et l’affirmer.

Mais plus encore que l’occidentalisation, c’est la japonisation qui rend farouche Yinan. Quel est donc le problème avec le Japon ? Car je sens bien que problème il y a. Histoire ou plutôt mémoire oblige, le Japon est l’ennemi juré de la Chine. Nul pardon pour l’impérialisme japonais***. Je tente de raisonner Yinan. Je compare au cas français / allemand. Pourquoi perpétuer cette animosité ? Mais bien sûr c’est différent affirme-t-elle : les japonais sont méchants et les chinois tellement gentils ! Mon peuple est incapable de faire le mal ! CHOC ! (notons que l’emploi d’un anglais rudimentaire nous contraint à des idées rudimentaires).
Je comprends subitement une chose : la « religion communiste » n’aurait-elle pas été remplacée par la foi nationaliste ? La jeune nation a encore besoin de ses mythes pour poursuivre sa construction.
Je ne tiens plus, je l’interroge sur Mao… Quel grand homme ! Deuxième choc ! Autre mythe : plus que le communisme en soi, c’est bien la figure du grand timonier qui fait la fierté mémorielle de la Chine. J’ai beau mettre en question les faits, rien n’y fait. L’explication réside dans un mariage regrettable avec une « sorcière », qui fût à l’origine des « mauvaises actions » de Mao. Les « Ni putes ni soumises » seraient enchantées d’apprendre cette conception de l’histoire !
Je n’insiste pas, ne relevant pas la non-innocence chinoise à mon ambassadrice. Une nation telle que la Chine, en pleine redéfinition, a besoin de cette édification mythificatrice de la mémoire pour se consolider. Mais je ne peux m’empêcher de craindre une dérive de ce chauvinisme à la chinoise. Prendre la mesure de ce formatage idéologique n’est pas sans me bouleverser. Je vous fais grâce ici, de bien d’autres discussions révélant ce fait, notamment sur les questions taïwanaise et tibétaine.

Il est temps maintenant, chère Yinan, que je te fasse découvrir le mythe de ma nation : la lutte. D’actualité brûlante, en pleine grève contre la loi LRU, je lui explique le pourquoi du comment de cette mobilisation. Je crois qu’elle ne comprend pas bien. Comment lui expliquer ce qu’est une manifestation sans la comparer à la révolution: beaucoup de gens réunis, qui marchent ensemble et qui crient pour exprimer leur mécontentement. Démonstration pratique : je l’emmène à une manif', ridicule qui plus est (à peine une centaine de personnes). Elle était choquée ! Incroyable, géniale !
Petit cours sur le fonctionnement français : je ne paie pas pour étudier, inversement c’est l’Etat qui me paye. Il me paye aussi une partie de mon loyer, mes visites chez le médecin, etc… Génial n’est-ce pas ? J’explique tant bien que mal ce système d’imposition et de redistribution des richesses… Elle n’en croit pas ses oreilles. Alors arrive le discours partisan : c’est grâce à la lutte sociale, comme on le fait encore aujourd’hui, que l’on a gagné tout ça. C’est le peuple qui l’a exigé. N’attends pas de tes dirigeants qu’ils trouvent ça tout seul. Fais la révolution ! Oui j’avoue, ce n’est pas très honnête et quelque peu réducteur, surtout pour une étudiante en histoire. Mais à chacun ses mythes, chers concitoyens…

Au final, je crois avoir découvert une Chine jeune, dynamique et ambitieuse en pleine quête identitaire avec ses promesses et ses dérives. J’ai découvert la différence présumée et la proximité insoupçonnée, capable de créer une amitié autre. De son côté, sa première sortie hors de la grande muraille aura ouvert Yinan, je l’espère, sur des réflexions quant à cette même quête identitaire dont elle reste à mes yeux - au risque de me répéter - l’ambassadrice.

* Ecole Supérieure d’Audiovisuel de Toulouse

** Hayao Miyasaki, réalisateur et producteur japonais de films d’animation : Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké, le Château dans le Ciel, et bien d’autres…

*** Petit rappel historique : Une première guerre sino-japonaise en 1894-1895, aboutit à la défaite de la Chine et à l’appropriation de territoires par les japonais : entre autres Taïwan et la Corée. La seconde guerre sino-japonaise se déroule de 1937 à 1945. En 1937, la Manchourie est envahie par l’armée japonaise. S’en suivent diverses réactions chinoises, dont une certaine forme de collaboration sous ordre du général Tchan Kaï Tchek, véritable maître de la Chine. Étroitement liée au basculement politique de la chine vers le communisme, cette guerre fut, si l’on peut dire, l’élément déclencheur d’un éveil chinois, peuple qui, jusque là, était resté en retrait, en « retard ». Mao Zedong prend la tête d’un mouvement populaire pour la défense de la Chine. Les chinois l’appellent d’ailleurs « la guerre de résistance aux japonais». Le conflit se solde par l’échec du Japon. L’histoire des relations entre la Chine et le Japon est jalonnée de rivalités de toutes sortes ; la Chine exerçant depuis des millénaires une influence culturelle sur la région et le Japon aspirant à une hégémonie politique et économique étendue.


Encart :
Il semble important de préciser les choses. J’ai beau parler de Yinan comme d’une ambassadrice, il est certain qu’elle ne peut représenter à elle seule le peuple de Chine. Il semble que suivre des études, d’art qui plus est, soit un luxe relatif. Gardons donc à l’esprit que cette chine jeune, dynamique et volontaire est bel et bien la future élite de l’empire du milieu. Elle en a elle-même conscience, me confiant son statut privilégié et la misère massive qui persiste. Pleine d’espoir cependant, elle croit en une amélioration du niveau de vie de la population globale. Nous verrons bien…[center]

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